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1]1] Mon bon frere, j’ai receu voz lettres du 28e d’octobre et par icelles et ce que Martin de Salinas m’a dit de vostre part entendu la bonne nouvelle de vostre paisible et unanime ellection au royaulme de Boesme dont j’ai eu si grand joie et plaisir, que plus ne se pourroit dire et ai bon espoir en dieu que moyennant sa divine bonté et les bonnes provisions que avez faictes vous aurez la semblable ellection en Hongrie et croi que de ceste heure icelle vostre ellection ait desia son effect, de quoi je desire fort avoir bonnes nouvelles et du tout rendre graces à nostre createur qui tant de grandz biens a faiz et fait chascun jour à vous et moi, lui suppliant permectre que noz personnes et estas se puissent employer à son sainct service, bien et restauracion de nostre religion chrestienne et conservation de nostre saincte foi catholique.

2]2] Je vous ai desia adverti des lettres et instructions favorables que feiz incontinant depescher en vostre faveur pour lesd. royaulmes de Hongrie et Boesme, ensuivant ce que m’avez escript, et vous envoie le tout par don Anthonio de Mandoça qui est en chemin pour aller devers vous. Maintenant je lui envoie après en toute dilligence aultres nouvelles depesches de merciement à ceulx qui vous ont servi, esd. ellecteurs de Hongrie et Boesme pour en user selon le temps et la saison et comme lui commanderez, car la charge qu’il a de moi est telle qu’il se conduise et entierement vous obeisse comme à moi-mesmes et tout ainsi, que si j’estoie au lieu, où vous estes.

3]3] Quant à ce que m’escripvez des 100000 escuz de Flandres que, mme, nostre tante, ne vous a fet delivrer, vous pourriez panser que ce fut par sa faulte et culpe ce que non, car je vous advertiz qu’elle n’avoit nul pouoir d’en disposer et avant la reception de voz lettres j’avoie desia mandé delivrer la moitié pour soubstenir les gens de guerre que maintenant avez envoyé en Ytalie, et comme sçavez, vous en ai envoyé les lettres de change et pouoir pour les faire recouvrer et employer au payement desd. gens de guerre. Et quant à l’aultre moitié, j’en ai nagueres disposé par nouveau change avec aultre plus grande somme pour payer à Genues au soubstenement de mon armée de Lombardie. Toutesfois, ayant entendu par voz lettres la necessité que aviez et le dangier, en quoi peuvent estre voz pays, j’ai fait toute extreme dilligence pour vous secourir d’argent jusques à 100000 ducas, comme vous ai escript dez Grenade, et vous en porte les lettres de change led. don Anthonio de Mandoça, afin que puissiez entretenir et remedier à voz affaires jusques à meilleur secours, lequel je mectrai peine vous bailler, ainsi que par mes precedentes lettres vous ai escript, et n’y espargnerai chose qui soit en mon pouoir. Car je ne laisserai à faire chose qui se puist faire pour vostred. secours, parquoi ne fais doubte que aussi de vostre cousté ferez tout vostre effort et tous les appareilz possibles pour vous bien deffendre, si le Turc retourne par vostre cartier, dont j’espere aurez souvent nouvelles et que tacherez de pouoir sçavoir de ses intencions et me ferez plesir de semblablement m’en advertir.

4]4] Mona) bon frere, je sçai bien que led. Salinas vous a bien servi et me tiens fort contant et satisfaict de lui, c’est raison que, puis vous ni moi ni avons trouvé faulte et que à cause des royaulmes et estas que tenez vous avez le pouoir et mieulx le moyen, que vous advisez desmaintenant à lui dresser ung si bon ordinaire qu’il en soit bien payé et bien traicté, je vous prie, mon frere, que le vuillez ainsi faire et je vous asseure qu’il sera bien employé et si me ferez singulier plaisir et que m’en vuillez faire responce par le premier courrier telle que je cognoisse, ne l’avez oblié.

5]5] Vous m’avez derrierement escript que m’advertirez que c’est de la duché de Masse en Polonie, devolue à l’empire, je vous prie ainsi le faire. Et quant à ce que l’on vous a dit que j’avoie exempté le duc de Savoye de contribuir en la chambre imperiale, je n’ai souvenance qu’il ait eu aultre depesche sinon revocation du ban que l’on avoit jugé contre lui. Toutesfois vous ferez bien de faire recouvrer coppie auctentique de lad. depesche et la m’envoyer, afin que je sache, si elle est aultrement que bien.b)

6]6] Quant à l’affaire que touche le conte de Ortemburg pour son neveur qui desire l’abit de Calatrava, il me souvient que led. conte m’en a parlé, aussi a led. Salinas, comme lui avez commandé, mais il ne se y peult riens faire jusques au chappitre de l’ordre de Calatrava et alors en aurai bonne souvenance pour l’amour de vous.

7]7] Quant à l’estat de mes affaires, de tous coustéz vous sçavez la, où vous estes, les nouvelles d’Ytalie, Flandres et Angleterre plus tot que moi que les reçois par mer. Ce que me occurt à ceste heure davantaige, c’est la venue vers moi de Paule de Rezo,b) chambrier du pape, lequel a esté aucuns jours en court de France. Il a appourté les pouvoir de sa ste, du roi de France et des Veniciens sur le fait de la paix universelle pour en traicter et conclure ici. Et pour ce que suis de chemin pour aller aud. Vailladoly, où je vois pour les courtes generalles que j’ai fait assembler pour appareiller contre le Turc le plus puissant succours que je pourrai, je n’ai encoires peu bien entendre le tout. Ce sera en Vailladoly, et neantmoins j’ai desmaintenant ordonné mon chancellier, l’evesque d’Osma, don Juan Manuel, le seigneur de Praet et Jehan l’Alemand avec ample commission pour entendre en ceste matiere et ferai aud. Paule de Rezo telle responce et despeche que chascun pourra congnoistre que par moi ne demeurra et que plus tot laisserai de mon propre heritaige que lad. paix ne se face, s’il est possible et qu’elle se concluie promptement pour le service de dieu et bien de toute chrestienté. J’en escriptz presentement à don Inigo de Mandoça que j’espere sera arrivé en Angleterre et qu’il die au roi et à monsr le legat, conforme à ce que par le dernier depesche lui ai escript, que j’auroie plaisir que lad. paix se puist bien conduire et conclure par leurs mains et ilz l’ont peu congnoistre par les oeuvres, puis que j’ai envoyé ample pouvoir aud. don Inigo avec instruction pour le fait de lad. paix. Et de tout ce que surviendra je vous advertirai tousjours le plus souvent que pourrai. Priant dieu, mon bon frere, etc.

De Toledo, ce 28e de decembre ao 26.