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1]1] Mon bon frere, ila) y a plus de quatre mois passéz que je n’ai eu de voz nouvelles. Vous sçavez bien que ce me sera grand plaisir d’en estre adverti souvent et vous prie cordiallement ainsi le vouloir faire. Et pour vous dire des miennes tout amplement et cela qu’est survenu dez le partement des dernieres lettres de decembre que nagaires vous ai escript c’est du progres de mon armée assavoir que, voyant la diversité de l’iver aprèzb) la prinse de la ville de Salvatierra, considerant que icelle ville estoit si avant en pays qu’elle ne se pouoit garder, je feiz razer la force et icelle habandonner, pour non faire cuirie de mes gens à mes propres ennemis. Dez led. Salvatierra, mon armée print la ville de Vidachen et le chasteau d’assault, tuerent ceulx qui y estoient, et le feug mis dedens de sorte que tout ce quartier en bonne grandeur a esté bien visité. De la tirarent à Ostarez que les Allemans avoient destruit en venant, et c’est à deux lieues de Bayonne, où avoie conclud faire mettre le siege, ayant tant de bonne artillerie que j’ai, mais lesd. ennemis s’en doubtans ont bruslé et gasté tout le quartier environ led. Bayonne, et de sorte que mes gens ont estéz fort constrains de famine par là entour environ six jours, et fin force leur a esté tirer à Saint Jehan de Lux qu’ilz ont bruslé. Et en y venant, leur vindrent costoyer deux cens hommes d’armes François et deux mil pietons, lesquelz, voyans mes gens en ordre, sans le vouloir attendre se mirent en fuite, de sorte que lesd. François cuidarent perdre leurs mesmes pietons et y eust quelque prisonniers des leurs en petit nombre, car mes gens estoient lors en tel estat de fain qu’ilz n’eurent point de suite d’eulx. Maintenant ilz sont au siege de Fontarabie, la où je ferai tout l’effort à moi possible, et de ce que en sera vous avertirai.

2]2] Monc) bon frere, je vous advertirai aussi tousiours de tout l’estat de mes affaires de sorte que vous cognoissez que ne veulx que vous soit cachée chose du monde, et sans point de faulte vous me ferez plesir de m’escripre de voz nouvelles le plus souvent que pourrez.

3]3] Ausurplus,d) mon frere, vous sçavez assez, et il est à tous notoire, comme tousiours m’est desir et principale affection a esté d’avoir et entretenir paix et repose) en la chrestienté, et tout ce que j’aif) fait et presentement n’est si non tendant à l’effect de lad. paix,g) moyennant laquelle les armées et forces des chrestiens se puissent joindre et unirh) afin de non seullement repulser les Turcs et infideles eni) leurs emprinses, mais aussi leur faire la guerre, augmenter, exaulcer et amplier la foi et relligion chrestienne. Pour à quoi parvenir plus commodement et facillement, considerant les grosses sommes de deniers qu’est innumerables que j’aij) despendu les années passées en la guerre contre noz ennemis François, et encoires journellement convient despendre avec gros exercice tant de gens de pied que de cheval pour contraindre nostre ennemi à la raison et venir à paix à l’effect que dessus, aussi que l’argent est le nerf et force de la guerre, et sans lequel l’on ne peut faire ne entretenir armées ni exercites, je à ceste cause ai pensé de requerir aide et assistance de ceulx qu’il me semble le pourront faire et par devoir ne le refuseront, et mesmes je desireroie que l’estat de la lighe de Suavve me voulsissent, comme leur chief souverain, aucteur et protecteur, succourir et aider de quelque bonne somme de deniers. Et pour à ce parvenir j’envoye presentement à mon secretaire maistre Jehan Hannart, mon ambassadeur en Allemagne, une instruction, touchant ceste affaire, pour icelle vous bailler et monstrer, et par vostre bon conseil, ordonnance et deliberacion, et non autrement proceder et entendre en ceste affaire où quel vous prie vouloir entendre et vous employer de vostre mieulx comme j’ai ma fiance entiere a vous.

4]4] Et pour les mesmes raisons devant escriptes, considerant que l’estat de l’empire pourroit estre fort bas et vuide d’argent, et ne pourroit l’on recouvrer d’icellui si tost ne promptement sommes de deniers, j’ai aussi deliberé et avec l’auctorité de nostre sainct pere, le pape, ou de la mienne seulle, si faire se pouvoit et que bon vous semblek) requerir, imposer et exiger aide et succours des eglises, subiectes à moi et au sainct empire, sans toutesfois les vouloir grever ni efforcer, mais les traicter le plus dolcement que sera possible. A quoi par raison ilz ne devront contredire, actendu mesmes que icelles eglises sont fondées et dotées par noz predecesseurs empereurs et rois, et que pour la deffence, augmentation et soubstenement de la foi les biens desd. eglises doivent estre employéz. Et par ce moyen pourrons lever de chacune eglise selon sa qualité quelque bon aide et prenant au deffault d’argent monnoyé ung meuble, joyau ou baghe, assavoir de une eglise metropolitaine ung joyaul en valeur de dix marcs, le marc compté pour 103 florins de Rin, de une eglise cathedrale ung joyaux ou cinq marcs d’argent, d’une eglise collegiale ung marc d’argent, d’une eglise parrochiale demi marc, d’une abbaye 10 marcs, d’ung prioré cinq marcs, et consequamment selon la qualité des eglises et benefices sans nulz excepter. Aussi y a des eveschiés subz l’empire jusques au nombre de soixante ou environ et d’abbayes, prioréz, Colleges, prevostéz, convenis de l’ordere Saint Benoist, de l’ordre de Cisteaulx, chanoinies regulieres de Premonstier, monasteres de Saint Anthoine, des abesses, des prieuses et des eglises parrochiales en grant nombre, des chartreues fort riches et opulens, devers tous lesquelx vous pourrez aider de cestui moyen, et comme dit est, en faire user et disposer comme il vous semblera pour le mieulx. Car je le remetz entierement à vous selon que plus au long j’escriptz aud. maistre Jehan Hannart, mon ambassadeur, et n’entens que riens se faire sinon par vostre ordre, ordonnance et commandement comme mon bon frere, lieutenant et vicaire generale par tout l’empire et celui en qui j’ai ma vraie fiance totale et toute entiere.

5]5] Mon frere, je vous ai escript nagaires du depesche de Beaurain devers monsr de Bourbon. J’atens sçavoir des nouvelles du son besogne, duquel led. Beaurain vous advertira souvent, et ferez bienl) de lui escripre aussi souvent, car j’espere que serez prouchain de ce cartier la et dont je vous prie tres affectueusement pour ce que vous, estant voisin de la frontiere de noz ennemiz François. Vostre presence servira beaucop à noz commungs affaires et y donnera grosse faveur et reputacion. Et si par les moyens de gens et d’argent que sont ci-dessus declairéz et par l’intelligence que aussi pourrez prendre avec led. sr de Bourbon et mon armée d’Ytalie que marchera avant pouiez secretement emprendre et parvenir ceste prouchaine saison à la conqueste de la duché de Bourgoigne, comment aultrefoiz vous ai escript. Ce vous seroit chose grandement honnorable, prouffitable et à moi tres agreable, ainsi que pouez penser. Je remetz l’affaire à vous et à la bonne affection que je crois fermement y avez pour l’honneur de vous et de moi. Car de vous en escripre souvent vous sçavez qu’il y a trop long de l’ung à l’aultre et devroit estre le cop baillé et executé avant que actendre responce ni nouvelle de moi que suis si longtain et vous baillom) les moyens que je puis avoir, et si en avoir aultres les vous bailleroie.n)

6]6] Aussi,o) mon frere, par mes lettres en allemand je vous escriptz et à ma chambre imperialle pour faire proceder au ban imperial et confiscation contre led. roi François, nostre ennemi, des terres qu’il usurpe et occupe subgectes de l’empire,p) si comme du royaume d’Arles et Dauphiné, Lyonnois, contéz de Valance, d’Yois, Provance, principaulté d’Oranges, Monteslimar, seigneuries de Moson, de Masieres et aultres pays qu’il occupe et dont il m’est rebelle subgect et a commis felonnie pour avoir commencé la guerre contre moi. Je vous prie que sans delai ni actendre consulte vers moi vous entendez à ceste matiere de la faire pousser oultre comme mon lieutenant general et ordonner les adjournement, sentence et condempnacion à la forme de l’empire ainsi que par mad. lectre en allemand je vous escriptz de sorte qu’il en soit bruit et renommée par tout le monde et sache nostred. ennemi ceste procedure avec les ceremonies en tel cas necessaires et accoustumées et vaille ce que pourra valoir ou temps advenir avec l’execution que mad. armée d’Ytalie y pourra faire, vous priant de rechief prendre ceste affaire à ceur, et que j’aie de vous nouvelles le plus souvent que pourrez. Et je ferai le semblable, priant dieu atant que, mon bon frere, vous doint ce que plus desirez.

Escript à Vittoria, le 16e de janvier 24.